mardi 30 mars 2010

COMPOSITRICES BYZANTINES (4° partie) : CASSIENNE (Kassia)

(photo NOCTOC)
La plus éminente compositrice et hymnographe dans l'histoire de la musique byzantine et qui a surpassé la renommée des autres femmes compositeurs de l'Empire est Kassia. Kassia a le privilège d'être la première compositrice dont on a conservé la musique! Elle précède ses homologues musiciennes occidentales de plus de deux siècles.

On connaît assez bien Kassia, qui est née vers l'an 810, probablement à Constantinople, et est morte entre 843 et 867. Kassia est connue par les diverses formes de son nom trouvé dans les manuscrits et les livres des offices: Kasia (Kasia), Kassia (Kassia), Eikasia (Eikasia), Ikasia (Ikasia), et Kassiane (Kassianh), [Cassienne (en français)].

Plus de cinquante chants liturgiques sont attribués à Kassia. (Ces compositions musicales ont été transcrites en notation occidentale et sont disponibles aux éditions Hildegard Press.) Poétesse douée, Kassia a écrit 261 versets laïques dans les formes d'épigrammes, de versets gnomiques, et sentences morales. La renommée de Kassia et son importance sont citées par Nicéphore Kallistos Xanthopoulos (Hymnographe et prêtre de l'église de Sainte-Sophie à Constantinople) dans son catalogue des hymnographes byzantins importants du XIVe siècle, où elle est la seule femme compositeur reconnue. Kassia est la seule femme représentée dans le frontispice d'un Triodion, ensemble des livres liturgiques du Carême, imprimé à Venise en 1601, qui comprenait également des portraits des principaux hymnographes des églises byzantines.


Kassia était issue d'une famille aisée de Constantinople. Son père avait le titre de candidatos à la Cour impériale, ce qui était un titre militaire accordé aux membres de l'aristocratie. En raison de l'honneur rendu à son père, on peut penser que Kassia et sa famille étaient des membres de la Cour impériale. Comme d'autres jeunes filles nobles de la cour, Kassia, reçut un enseignement privé marqué par l’étude du grec classique, ce qui peut remarquer dans ses vers et ses écrits.
Au cours de ses années d'adolescence Kassia s'est impliquée dans la controverse iconoclaste de l'Empire byzantin. Kassia, avec d'autres femmes, membres du clergé et des moines, ont lutté contre l'édit impérial interdisant l'utilisation des icônes dans les églises.
En raison de ses actions, Kassia a été persécutée et même fouettée pour avoir aidé les moines iconodoules emprisonnés et exilés. C'est durant cette période que Kassia également subi l'influence de Théodore Studite (759-826), abbé du monastère Studite de Constantinople, qui était également un défenseur des icônes. La correspondance entre Kassia et Théodore Studite révèle son inclination pour devenir une religieuse, bien qu'il ait essayé de la dissuader d'une telle décision si tôt dans sa vie. Kassia a également adressé des exemplaires de ses écrits à Théodore, auxquels il a répondu par des compliments sur son talent littéraire.

La documentation concernant Kassia dans les chroniques byzantines et la popularité qui a fait d'elle une légende dans le folklore byzantin sont le résultat de sa participation au salon du mariage de l'empereur Théophile, qui régna de 830 à 842. Les Salons des prétendantes, dans lesquels la future mariée était sélectionnée à la manière grecque antique classique, par le don d'une pomme d'or, étaient très populaires à Byzance au cours des VIIIe et IXe siècles, et ils ont également été en usage dans les empires orientaux. L'histoire de la participation de la noble et belle femme au salon des prétendantes au mariage avec l’empereur Théophile (vers 830) a été rapportée à plusieurs reprises, et c’est la preuve de l’authenticité des documents qui rapportent l'échange verbal entre Kassia et l'empereur Théophile. Le plus ancien chroniqueur à avoir relaté l'incident est Siméon Le Logothète du Xe siècle. La description de l'incident qui suit a été écrit par l'historien Edward Gibbon.

« Une pomme d'or à la main, il [Theophilos] marchait lentement entre deux rangées de beautés en compétition, son regard furt attiré par les charmes d’Icasia, et, dans la maladresse d'une première déclaration, le prince ne put qu’énoncer que dans ce monde, les femmes ont causé beaucoup de mal [en référence à Eve, la première femme créée]; "A coup sûr, Seigneur, répondit hardiment Kassia:« Elles ont de même été l'occasion de beaucoup de bien »[en référence à la Vierge Marie]. Cette recherche d’un trait d’esprit hors saison déplut à l'impérial amoureux, il se détourna avec dégoût; Icasia cacha son chagrin dans un couvent, et le silence modeste de Théodora fut récompensé par la pomme d'or. »

La réponse pertinente et audacieuse de Kassia à Theophilos allait à l'encontre de la tradition byzantine du silence et de l'obéissance à la suprématie masculine. On disait volontiers aux femmes que «Le silence est un ornement." Kassia paya cher son audace et sa vivacité d'esprit en perdant la possibilité de devenir impératrice. Il est ironique que le choix de Théophile, Théodora, fut après la mort de son mari, l'impératrice qui a restauré les icônes, ce qui porte le point final à la controverse iconoclaste.

Dans la société byzantine les femmes seules n’auraient guère pu fonctionner librement et facilement, en conséquence, le bon choix pour les femmes était soit le mariage soit le monastère. Puisque Kassia avait perdu ses chances de se marier et de devenir impératrice, elle accepta la vie monastique. En 843, elle fonda son propre monastère, , sur la colline septième de Constantinople, nommé après elle le Xerolophos, près du Mur Constantinien. Là, elle a passé le reste de sa vie en tant qu’higoumène, à composer de la musique pour les offices de son monastère et à écrire des versets liturgiques et profanes.

Connu surtout comme un Hymnographe et compositeur de poèmes sacrés, Kassia était contemporaine des plus célèbres compositeurs byzantins, Théodore Studite, Joseph de Thessalonique, et à Saint Théophane. Ses compositions n’ont pas été reconnues jusqu'à une époque récente. En outre à la composition de musique pour sa poésie liturgique propre, Kassia a également composé la musique pour la poésie et la prose de Byzantios, Georgios, Kyprianos, et Marcos Monachos.

Sur les plus de cinquante compositions attribuées à Kassia, seulement environ vingt-quatre sont considérées comme des compositions authentiques, les autres étant considérées de paternité douteuse. Pour ces dernières, on pense que les mélodies et les textes originaux d'entre elles sont de Kassia mais que d'autres compositeurs, ont soit embelli soit modifié ses mélodies préexistantes avec leur propre interprétation.

La plupart des compositions liturgiques de Kassia sont des stichères exécutés pour les Offices du matin et du soir tout au long de l'année liturgique. Bien que toutes les compositions de Kassia soient écrites selon la monodie conforme à la pratique de la musique liturgique byzantine médiévale, elles étaient généralement chantés par deux chœurs, l'un chantant la mélodie notée, l'autre fournissant un ison improvisé non écrit appelé isokratema.

La plus célèbre composition musicale de Kassia qui est encore en usage aujourd'hui est son tropaire
 "La Femme Perdue" cliquez pour lire le texte en grec) et cliquez Pour l’écouter
chanté aux Laudes du Mercredi saint, mais techniquement célébrée à la fin de l'office des Vêpres du Mardi Saint. Cette hymne parle de Marie-Madeleine, une "femme perdue", qui a lavé les pieds du Christ, les a oints, et les a essuyés avec ses cheveux longs (saint Luc 7:36-50). L'hymne est également considérée comme étant en partie autobiographique. L’empereur Theophilos regretta plus tard sa décision de ne pas avoir choisi Kassia comme épouse, et il aurait tenté de la rencontrer pour exprimer sa douleur et son amour. Bien que Kassia ait tout fait pour l’éviter, dans son cœur elle sentait qu'elle était revenue à son amour et qu’elle était devenue une "femme perdue".

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